REPORTAGE: McDo: comme une odeur d’œufs pourris

[Serge Loriaux]

McDo: comme une odeur d’œufs pourris

Par Lise Bergeron -Mise en ligne : 24 novembre 2011
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Une vidéo montrant des actes de cruauté perpétrés chez un producteur d’œufs étasuniens oblige McDonald’s à réviser sa liste de fournisseurs. Dessous de l'Œuf McMuffin servi chez nos voisins du sud.

Photo: iStockphoto

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Une vidéo http://www.mcdonaldscruelty.com/ (attention, ces images pourraient choquer les plus sensibles), tournée lors d’une enquête anonyme de l’organisme de protection des animaux Mercy for Animals, montre des employés de Sparboe Farms, un important fournisseur d’œufs des restaurants McDonald’s, maltraitant des volailles. On y voit des employés faire tournoyer une volaille au bout d’une corde et mutiler des poussins, les lancer violemment dans des cages ou les étouffer dans des sacs en plastique.

Mercy for Animals dénonce aussi les conditions inacceptables dans lesquelles vivent les poules pondeuses. «Les oiseaux sont entassés dans des cages poisseuses où ils ne peuvent presque pas bouger ni satisfaire leurs besoins normaux. Des poules mortes, et en décomposition avancée, en côtoient d’autres, vivantes, qui continuent à pondre des œufs destinés à la consommation humaine», décrit l’organisme sur le site mcdonaldscruelty.com – The Rotten Truth About Egg McMuffins (en anglais seulement). http://www.mcdonaldscruelty.com/

Depuis la diffusion de la vidéo, le 18 novembre 2011, l’entreprise du Minnesota a multiplié les efforts pour amender les pratiques qui ont cours dans ses fermes. L'entreprise n'a pas le choix: la Food and Drug Administration (FDA) l’a sommée de corriger la situation à la suite d’une série d’inspections menées d'avril à août 2011. Celles-ci avaient révélé d’importantes failles de salubrité(en anglais seulement) http://www.fda.gov/ICECI/EnforcementAct ... 280413.htm qui mettaient en péril la santé des consommateurs américains.

Le discours et la réalité

Ce qui frappe dans cette histoire, c’est le décalage entre l’image publique du producteur, qui met de l’avant un code de conduite(en anglais seulement) envers les animaux, et la réalité sur le terrain. Comment un employeur peut-il ignorer à ce point ce qui se passe dans ses installations?

Selon Mercy for Animals, le problème est dû en partie à l’élevage en batterie, qui force une énorme quantité de volailles à pondre sans relâche dans un espace très limité. Cela équivaut à une véritable chaîne de production vivante interdisant aux bêtes de satisfaire leurs besoins primaires, comme marcher et s’étirer les ailes.

Pour Carl Saucier-Bouffard, professeur d'éthique animale au Collège Dawson à Montréal et chercheur associé à l'Université d'Oxford en Angleterre, les images de la vidéo ne présentent rien de nouveau: «Les médias s'indignent devant la cruauté individuelle, mais plusieurs scènes du document sont courantes dans les poulaillers. Le débecquage et l'étroitesse des cages, notamment, font partie des techniques utilisées par l'industrie. N'oublions pas que les géants de l'agroalimentaire ont des intérêts économiques et ne prennent pas en compte les questions éthiques. C'est de la cruauté institutionnalisée.»

Mais la situation tend à évoluer. Parmi les quatre objectifs de la Stratégie québécoise de santé et de bien-être des animaux (2010), le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) prévoit «l'adoption de modes d'élevage qui améliorent de façon durable la santé et le bien-être des animaux». D’autant que le bien-être des animaux va souvent de pair avec la salubrité de la viande et, au final, la santé des consommateurs.

Rendre des comptes

Ces dernières années, plusieurs livres (Faut-il manger les animaux?, de Jonathan Safran Foer, et Bidoche, de Fabrice Nicolino) et documentaires (Terriens et Les alimenteurs, notamment) se sont intéressés aux conditions de vie et d'abattage des animaux de boucherie.

Préoccupés par ces questions, de plus en plus de consommateurs demandent des comptes à l'industrie. Or, «il y a un décalage entre ce que prétendent publiquement les grands producteurs, comme Cargill, Tyson et Purdue, et la réalité», fait remarquer M. Saucier-Bouffard. «Les messages rassurants de leur site Web sont créés par des agences de publicité, loin du terrain.»

Dans le cas de Sparboe, son laisser-aller – et les correctifs apportés trop tard – auront coûté cher à l’entreprise, qui vient de perdre un de ses plus gros clients. En effet, dans un communiqué de presse publié le 21 novembre 2011, McDonald’s déclare que les comportements révélés dans la vidéo sont «totalement inacceptables» et qu'il ne fera plus affaire avec ce fournisseur.